FLAMMES ET EMA -  OBLITERATION  ET AFFRANCHISSEMENT
Par Michel Krempper

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Pour les collectionneurs de marques postales, ce sont deux branches d'une spécialité unique, partie de l'histoire postale, division automation, parfois encore appelée "mécanotélie". Mais ce terme est de moins en moins utilisé. D'abord parce qu'à l'ère de l'électronique, l'aspect "mécanique"des machines à affranchir et des machines à oblitérer le courrier ne joue plus qu'un rôle secondaire dans leur fonctionnement. Ensuite parce que le mot est ambigu : du point de vue postal, la dite "mécanotélie" recouvre en effet des aspects totalement différents, voire antinomique de l'acheminement des lettres.
Essayons ici de bien préciser les différences,  mais commençons d'abord par les similitudes qui conduisent parfois à les confondre à tort.

Des ressemblances dans les empreintes
Prenons l'exemple de ces deux empreintes de Bedarrides. La première(1A) imprimée sur papier jaune est une empreinte de machine à affranchir, la seconde (1B) apposée sur lettre, est une flamme d'oblitération.
1A  
1B    

Observons leur partie gauche. A la couleur près, rouge pour l'EMA, noire pour la flamme, et à la taille près, illustration plus grande sur la première, le dessin est semblable. D'autre part, les deux marques comportent un cercle, avec à l'intérieur les indications 84 Bedarrides (en haut) Vaucluse (en bas) et une date au milieu.
Pourtant s'arrêtent là les similitudes. L'essentiel est ailleurs, dans la partie droite.

Les Flammes d'oblitération
Observons plus attentivement les marques sur lettre. Celle de Bedarrides ou celle du Puy en Velay (2). On notera immédiatement qu'elles recouvrent un timbre-poste collé. On voit là la fonction postale essentielle de la flamme "oblitérante", puisque -avant d'être objet de collection - la marque sert à annuler le T-P pour en empêcher le réemploi.
C'est la définition même du terme "oblitération postale": annulation d'un timbre pour le rendre impropre à servir une deuxième fois. N'oublions pas qu'en tant que vignette permettant le paiement de la taxe postale, le T-p possède une valeur fiduciaire intrinsèque.
(2 )
       
 

Cette fonction d'annulation est normalement assurée par le timbre à date de l'oblitération qui est l'élément basique de l'empreinte. Un examen plus fin conduit à y distinguer 3 éléments:
- L'encadrement: dans nos exemples il est circulaire, mais il existe d'autres formes (l'hexagone ou l'octogone notamment).
- La couronne: ce sont les indications qui identifient le bureau et/ou le service utilisateur, ainsi que l'utilisation de la machine.
- Le bloc dateur: constitué de pièces amovibles, il comprend l'heure de la levée (pas toujours) et la date présentes ici sur trois lignes; mais sur d'autres machines on les trouve aussi sur 1, 2 ou 4 lignes.
 Ce timbre à date est en principe à droite.  
Déjà en 1876, à une époque  où seuls des cachets manuels étaient utilisés, une décision « historique » de la Poste avait attribué au Timbre à date le rôle d’annuler le Timbre-poste, en lieu et place des Grilles d’oblitération « losange » employées précédemment à cette fin. Après une longue période de flottement due à la diversité des machines à oblitérer apparues au 20ème siècle, cette décision fut formellement étendue aux oblitérations mécaniques en 1959, ce qui est cohérent avec la consigne donnée à l’usager de coller son affranchissement en haut et à droite de l’enveloppe
 (3a)

Mais la négligence ou l’étourderie de l’employé chargé de monter ensemble le T-à-D et la partie illustrée de la flamme d’oblitération peuvent causer une inversion ; le timbre à date se retrouvant alors à gauche et l’illustration à droite (3 B).

  (3b)
    

La flamme d’Orthez 6 3 1974 (3 B) présente en plus un autre dysfonctionnement. Outre son montage inversé, elle a été frappée en net décalage sur la gauche, de sorte que le timbre-poste n’a pu être oblitéré. Cette deuxième anomalie, moins fréquente, peut elle-même avoir eu deux causes : soit qu’ il y ait eu accélération du pli après le passage d'une lettre épaisse dans la machine, soit que l'embrayage de l’oblitératrice ait été mal réglé .
 

L'illustration, c'est l'autre partie de l'empreinte. Par principe, elle est montée à gauche. Parfois , elle peut également comporter une indication de service: dans nos deux exemples, la date est répétée. Pour la plupart des  collectionneurs, notamment le "thématiste", c'est l'élément le plus intéressant. Mais il ne saurait pour autant ignorer les autres aspects. L'identification des machines, leur type, leur durée d'emploi sont des domaines d'étude particulièrement riches, bien qu'un peu arides. Mais heureusement il existe des ouvrages et des catalogues pour aider le débutant

Les empreinte de machines à affranchir (EMA)
 Pour bien comprendre la différence radicale qui oppose ce second type d'empreinte au précédent, il faut d'abord se rappeler ce qu'est un affranchissement. Pour rester simple, c'est l'acquittement préalable de la totalité des frais de port d'un courrier. Selon les époque on a utilisé pour ce faire; des mentions manuscrites, des marques manuelles spécifiques ( au temps dit de la "pré-philatélie") des timbres -poste, parfois des fiscaux. Depuis 1924, des machines servent également à cette fin.
 Sous un EMA on ne trouve jamais de  TP collé- sauf anomalie ou complément d'affranchissement pour cause de changement de tarif par rapport au tarif mémorisé par la machine-. En revanche y figure une estampille avec valeur indiquée. Observons nos exemples( 1A et 4) on y voit à droite le tracé d'un rectangle dentelé évoquant un TP et le simulant. C'et que  l'estampille est en effet un vrai timbre.
(4)       

-   Dans la partie supérieure, la mention "République Française" indique que l'opération s'effectue dans un cadre légal,
    et qu'il y a -comme pour les T-P - émission de valeur fiduciaire par la Poste dont le nom apparaît  également dans ce
    rectangle.
-   Au centre se lit la valeur d'affranchissement sur deux trois ou quatre chiffres, souvent précédés d'un signe typographique.
    L'utilisation de ces machines se fait sous le contrôle absolu de la Poste, à qui l'usager acquitte périodiquement le montant
    des taxes dues et totalisées par la machine.
-   Enfin, détail important, pour le collectionneur et l'identification des empreintes: tout en bas de l'estampille, on note un
    code alphanumérique. Les lettres renvoient à un type de machine. Par les lettres NE, nous savons ainsi que l'EMA du
    Puy en Velay est issu d'une machine SECAP à commande électrique, par la lettre R celle de Bédarrides, une machine
    ALCATEL de la série R4000, en nous aidant bien sûr des catalogues spécialisés. Les chiffres correspondent au numéro de
   série dans le type: ainsi chaque machine à affranchir est individualisée par un matricule, comme le sont  les voitures sur
   le numéro de châssis automobile.

Chaque machine à un totaliseur et un Bureau postal de rattachement. Depuis l'introduction de l'électronique, certains modèles leur sont directement reliés. Ce bureau apparaît dans un bloc dateur analogue à celui des oblitérations et situé dans la partie du milieu. Sa fonction principale est - comme son nom l'indique - de dater le jour de l'affranchissement par l'usager. Le courrier doit être introduit dans le circuit postal le jour même. A défaut, la lettre doit repasser en machine le lendemain, pour recevoir une autre EMA avec valeur 000. Mais au contraire des machines à oblitérer, l'heure ne figure pas .
 Dans nos exemples, l'espace de gauche est occupé par un dessin. Cette partie est appelée bloc publicitaire. On pourrait aussi bien y trouver un texte, ou rien du tout. Mais bien sûr, ce sont les EMA illustrées qui intéressent le plus les collectionneurs - du moins le thématiste -...

Trois autres points à noter:
-  
La couleur: celle des EMA fût longtemps rouge. D'ailleurs les collectionneurs italiens, grands amateurs les appellent
    "rosso". Mais depuis 2001 la plupart sont devenues bleues, selon une recommandation de l'UPU, le bleu réagissant mieux
    au lecteurs optiques.
-   L'oblitération des EMA: on trouve parfois des empreintes de machines à affranchir surchargées d'une empreinte  de
    machine à oblitérer, comme dans l'exemple de ce courrier de la Mairie de Melun 11 8 1971 (ici une Havas P2000) (5)
        Mais celles-ci ne sauraient résulter que d'anomalies et/ou de circonstances exceptionnelles : le grand principe étant que
  l'apposition d'une EMA équivaut en même temps à son oblitération. Chose logique si l'on se redit que l'oblitération
   n'est pas autre chose que l'annulation du timbre-poste. Quel esprit mal tourné s'essaierait  à découper une EMA pour réutiliser la figurine et affranchir frauduleusement du courrier avec cette découpe?
(5) 

-  En France, de récentes réorganisations postales ont modifié quelque peu les règles ci-dessus rappelées,  d'autant qu'elles conduisent sans doute à la disparition des flammes d'oblitérations locales illustrées .
Par leur ampleur, elles appellent un autre article...
 

     Voir aussi:   http://tarifs-postaux.fr/machine-a-affranchir.htm

Empreinte de machine à affranchir allemande sur carton de présentation des machines à affranchir...